Poligny, ville d'exception
Une riche histoire séculaire
Le comte Jean-Loïc Reumont de Poligny
et son fils Hervé
Poligny 1967
L'héritage romain
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Dans les années 60 avant notre ère, la Franche Comté, peuplée de Celtes, les Séquanes, subit les assauts constants de tribus germaniques de toutes sortes.
Ces agressions entraînent l'invasion et l'occupation du territoire par des colons venus d'outre-Rhin (les Harudes notamment), attirés par des terres réputées fertiles.
Les ambassadeurs séquanes et leurs alliés éduens (de Bourgogne) viennent à Rome à la recherche d'un sauveur. C'est en libérateur que Jules César est accueilli en 59 av. J.-C., après avoir écrasé les Germains à la bataille des Vosges, lorsqu'il installe ses quartiers d'hiver chez les Sévanes,
Poligny est alors ajouté au proconsulat de César, ainsi que tout le territoire des Séquanes.
Certes, Rome dicte ses lois, mais de nombreux Celtes romanisés ("Gallo-Romains") tentent de paraître plus romains que les Romains, soit par excès de zèle, soit par simple mimétisme.
Parler latin, honorer les dieux romains, reconstruire les villes sur le modèle de Rome et participer aux mêmes loisirs (thermes, cirque, théâtre, etc.) devient un must, voire une obligation.
Le nom même de Poligny viendrait d'Olinum ou Polinum, Polemniacum en latin, (Pouligney, Poloigne, Poligney en langue vernaculaire).
Des vestiges romains comme les deux grandes mosaïques dites "Chambres du Roi" découvertes à la périphérie de la ville au XVIIIe siècle en témoignent.
De plus, sa position au pied du Jura, entre Rhin et Rhône, et aux portes de la Suisse et de l'Italie, en a fait un carrefour. Les Romains ont conservé et amélioré le réseau routier passant par Poligny. Une ancienne voie romaine subsiste, que l'on peut découvrir en se rendant au lieu-dit "la Pierre qui vit".
Enfin, à l'époque gallo-romaine (de 58 av. J.-C. à la fin du IVe siècle), un temple dédié à Appolon s'élevait à l'emplacement du château de Grimont (contraction de "Gryneus mons").
"Gryneus" est un surnom d'Appolon, qui fait référence au sanctuaire d'Appolon à Gryneium, une ancienne cité d'Asie Mineure. Dieu de la mythologie grecque, les Romains l'ont adopté notamment pour ses pouvoirs de guérison.
L'influence romaine sur Poligny ne semble pas s'être arrêtée là.
En effet, une charte des libertés et franchises accordées aux bourgeois de Poligny, datée de 1292, est confirmée en 1424 par le duc Philippe Le Bon.
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Château et cité fortifiés
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Le puissant château fort de Poligny, son donjon, et ses six tours, sont parmi les premiers construits à l'époque médiévale (avec le Château fort de Château-Chalon voisin), en hauteur (à flanc de falaise, puissant bastion naturel à l'entrée de la reculée de Poligny / route de Genève, sur une surface d'environ 3 hectares, entourée d’un rempart fortifié de 800 m et de sept tours, sur le mont Grimont.
Deux murailles de 1 800 m, protégées de 25 tours, descendent de part et d'autre vers la ville fortifiée de Poligny,
Le système de fortification se compose d’une enceinte continue enveloppant sur la hauteur le château fort de Grimont et dans la plaine trois des cotés de la ville.
La fortification s’affaiblissait ainsi sur les deux faces qui allait de la ville à Grimont. Mais au sud il y avait de forts escarpements et les quatre tours dites tours basses et établerie de Grimont, tour de Balerne, tour de St Germain et tour du paradis. De ce côté les tentatives d’escalade pouvaient se dissimuler grâce aux escarpements. Au contraire sur l’autre face, ces tentatives auraient été facilement aperçus ; c’est sans doute pour cela qu’au lieu de tours, il n’y avait réellement que des portes crenelées et au nombre de trois.
Le donjon des Poligny (prévôts héréditaires) était haut et crénelé et il avoisinait l’enceinte.
Le long du mur de l’enceinte de la ville du sud au nord, on rencontrait successivement : La porte de l’horloge flanquée de deux tours, en avant de la tour de l’horloge ;
La tour de la lune et la tour Carondelet, qui s’appuyaient mutuellement faisant face à la Croix-de-Pierre :
La tour d’Ivory et, en dedans de l’enceinte, la tour de Fallerans, la tour Guillet, la tour Crépin, la haute tour ou Donjon Saint Laurent,la haute et belle tour dite du four banal.
Grimont comprenait , outre le donjon et la Tour carrée, tous deux crénelés, trois autres immeubles pour la défense :
La tour des nones, la poterne pour communiquer avec la ville, la tour de Monay,
Ce château fort est considéré comme un des plus sûrs de la région. Les comtes de Bourgogne y mettent à l’abri leurs précieux droit de propriété, chartes, sceaux, bannières, trésors, confiés au trésorier des chartes de Grimont (transféré au château de Dole en 1561, à la suite d’un incendie du château). Jean III de Chalon-Auxerre (entre autres importants prisonniers du comté) y meurt dans sa prison en 1369, après un an d'emprisonnement.
En 1479, à la suite de son échec de reconquête française de l'État bourguignon / comté de Bourgogne de 1477 (succession de Charles le Téméraire), le roi Louis XI conquiert le comté et sa capitale Dole / château de Dole, qu'il fait raser et incendier, et massacrer la population, par vengeance de leur farouche résistance. De nombreuses villes et vassaux félons du comté subissent le même sort et la centaine de châteaux forts comtois sont alors également rasés à l'exception entre autres de Poligny, dont le roi fait sa principale place forte et le centre de son administration sur la région. En 1481, à la suite des constructions de sa ligne de puissants château de Beaune, château de Dijon, et château d'Auxonne…, Louis XI entreprend de grands travaux de renforcement des remparts de la ville et du château.
Durant les années 1492 et 1493, il servit de quartier général aux troupes de Baudricourt et notamment lors de la bataille de Dournon.
Une cité prospère
Jusqu’au XIXe siècle et contrairement à sa voisine Salins, la ville de Poligny ne put exploiter de puits salés pour l’enrichir.
Elle n’avait pas non plus de pèlerinage comme à Saint Claude pour attirer les foules.
Comment alors expliquer que la cité a été une des plus importantes du comté de Bourgogne ;
La position géographique de Poligny en est certainement une des raisons principales. Elle se trouve en effet à un véritable carrefour de routes commerciales entre Besançon, Dole, Lons-le-Saunier, et l'entrée de la reculée de Poligny, routes escarpées qui mène vers le Haut-Jura, le prieuré de Vaux-sur-Poligny, Champagnole, la Suisse, alors intégrée au royaume de Bourgogne, et l'Italie…
Cela explique donc l’ancienneté du peuplement mais aussi le nombre important d’habitants pour l’époque probablement depuis l’antiquité jusqu’au début du XVIIe siècle.
A l’appui, un des plus anciens recensement datant de 1614 établi que Poligny avec ses 841 feux (ou ménages) soit environ 4 373 hab est en mesure de se comparer à Besançon qui en compte alors 12 000 habitants ou même Berlin qui ne dépasse guère les 9 000 habitants !
Paris 220 000 hab., Naples 200 000 hab. et Londres 187 000 hab. font alors figure de véritables géants.
Il est avéré par ailleurs que les comtes de Bourgogne y résidaient souvent du XIIIe au XIVe siècle.
La présence de juifs et de lombards dans leur rôle de banquier et de préteur montre l’importance de la ville et de son commerce au XIIIe siècle.
C’est à partir du moment que Philippe Auguste bannit les juifs de France que des juifs commence à s’installer à Poligny et on remarque leurs présence vers 1270. Ils obtiennent certains privilèges afin de favoriser le commerce.
Les seigneurs placent désormais les juifs et les lombards sur la même ligne.
A Poligny , au temps d’Othon IV, la taxe des lombards payable le 15 août est de 120 livres pour la communauté.
Le véritable âge d’or de Poligny est incontestablement le XVe siècle.
Les états généraux du comté, la chambre des comptes et le parlement tinrent plusieurs de leurs séances à Poligny au XVe siècle et encore au XVIe siècle.
Plusieurs enfants du pays obtiennent des charges importantes à la cour des Ducs de Bourgogne.
A cette époque, le commerce et l’industrie réputée pour ses fabriques d’armes (hallebardes, haches, arbalètes, arcs, épées, lances, piques et dagues) et de draps prospèrent. On y connaissait aussi une activité d’orfèvrerie significative.
Enfin, le vin de Poligny est à l’époque recherché. Son cépage Poulsard typiquement comtois, offre un vin à la structure légère, fin et aromatique mais aussi fort apprécié pour ses qualités de conservation lors du transport et qui se bonifie ensuite en prenant de l’âge.
Les métiers sont organisés en corporations ou en confréries.
Les foires faisaient affluer les marchands étrangers.
A cette même époque, la fondation de la collégiale Saint Hippolyte attire sur le chantier nombre d’artistes.
Les familles bourgeoises de Poligny étaient largement dotées en argenterie.
Poligny, ville d’art au XVe siècle, a brillé par ses trésors qui pour la plupart on disparus suite aux désastres de la guerre de 10 ans et aux incendies.
La « ville de feu »
Accidentels ou volontaires, les incendies de la ville marquent son histoire au fer rouge.
Certains ont même parlé de malédiction…
Les incendies sont à tel point inscrit dans l’ADN de Poligny que déjà au XVIe siècle, le célèbre mémorialiste Louis Gollut avait imaginé que l’étymologie du nom Poligny pourrait être : « Polis Ignis », soit : ville de feu !
Un des tous premiers incendies dont on se souvienne fut probablement perpétré en 355 par des Alamans, peuple d’Outre Rhin dont la barbarie sans limite dévasta Poligny et terrorisa la région toute entière avant que les Rois Bourguignons rétablissent l’ordre et s’emploient à reconstruire.
Poligny est par la suite sujette à de si nombreux incendies, au Moyen-Age que nous serions bien incapables d’en préciser le nombre. Le plus souvent accidentels, ceux-ci semblent avoir été favorisés par la proximité des habitats imbriqués derrières les remparts et par l’usage tardif de construction de maisons en bois (surtout dans le faubourg) et de couverture pour la plupart en tavaillons ou en chaumes.
Cependant, dès le XIVe siècle, on prend des mesures préventives on multiplie les puits publics et l’on veille à l’entretien des fontaines « monument de la gloire urbaine ».
A Poligny, par sa patente du 14 février 1391, Philippe Le Hardi évoque une supplication des habitants dans laquelle ils disent devoir entretenir les fontaines et faire une écluse pour faire venir l’eau dans la ville pour lutter contre le feu. Dès 1392 est posé la question de l’entretien de cette écluse et de certaines fontaines… Pour y remédier, un impôt spécifique sera prélevé auprès des polinois.
Au cours du XVe siècle, des incendies détruisent des quartiers entiers de Poligny et de ses faubourgs.
Ces incendies touchaient toujours principalement les maisons à pan de bois mais s’étendait parfois aux autres habitations.
Les estimations de destructions sont éloquentes :
En 1402, on ne compte pas moins de 250 maisons détruites par les flammes.
Dans un texte de doléances on y lit les conséquences dramatiques de cet incendie pour la population polinoise :
« …depuis le dit feu ont esté et encour sont ceulx de qui lesdites maisons ont été arses, ou la plus grant partie d’iceulx, logiés et habités en povres petites maisons et logetttes de bois et de foillie ou il ont et souffrent chacun jour de grans douleurs, povretés et misères. »
Dans les années qui suivirent 1402, des reports d’impositions et aussi un don de 50 livres pour reconstruire l’église furent faits par le Duc Jean Sans Peur.
L’obligation était désormais donnée de couvrir les toits de tuiles.
Cette obligation ne fût malheureusement que peu respectée.
Dans une patente datée de 1416, le duc Jean Sans Peur stigmatise l’insouciance de certains polinois qui ne recourent toujours pas à la tuile. Il rappelle que « environ a un an plusieurs maisons ont été arses en la grant rue du bourg d’icelle notre dite ville ensemble plusieurs biens en icelles autres maisons, puis huit jours en ça, empres et au joignant de nostre chastel dudit Poligny par le feu desquels noste dit chastel a esté en tres grant péril ».
De nouveaux incendies se produisent alors immanquablement
1429 : 60 maisons détruites
1447 : 50 maisons détruites
et parfois même gigantesque :
1459 : 200 maisons détruites
Au début du XVIe siècle
En 1501 on dénombre entre 80 et 100 maisons calcinées.
Ce terrible incendie frappa aussi le monastère des dominicains (dit « des Jacobins »).
Parti du faubourg, il passa par-dessus la muraille et entra au clocher du couvent et brula ensemble les cloches et toute l’église au point que la plupart des livres et ornements et autres biens au service de Dieu furent détruits.
En 1561 un nouvel incendie ravageur décide d’expédier de manière définitive les chartes, sceaux, bannières et trésors des souverains bourguignons du château de Poligny au château de Dôle.
Au XVIIe siècle
1638 : Le 26 juin, rien d’accidentel, les troupes françaises causent volontairement, parmi leurs exactions, un gigantesque incendie : « Le feu fut mis quelques heures après dans tous les quartiers de la ville, se communiqua aux bâtiments du Monastère, le soldat impitoyable empêchait que l’on arrêtait le progrès de l’incendie. » La très précieuse bibliothèque de la ville ne fût pas épargnée. Nombre de livres rares, richement reliés, à la valeur inestimable furent réduits en cendre.
1655 : C’est la plus grande partie du quartier de Charceny qui brûle.
1666 : Le feu détruisit 30 maisons dans le faubourg de Boussières. Les flammes poussées par un vent impétueux, menaçait d’anéantir la ville toute entière
1673 : Ce 11 janvier, c’est bien le dernier des incendies que connu la ville mais il fût sans doute le plus dévastateur.
Il emporta avec lui plus de 200 maisons, plusieurs églises, le monastère, les hôpitaux…
Un nouvel édit interdisant désormais toute construction dont la couverture ne soit pas en tuiles sous peine de 50 livres d’amendes et de la destruction du bien est promulgué, mais le mal est fait. On dit que près d’un siècle plus tard encore, les séquelles de l’incendie étaient toujours présentes.
En réalité, la ville ne s’en releva jamais vraiment…
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Les épidémies de la désolation
En 1626, la peste sévit avec tant de violence que la plupart des habitants de Poligny prirent la fuite et se retirèrent à Saint Lothain. La ville resta presque déserte.
La contagion qui avait cessé réapparut en 1633 et en 1636.
Les pestes étaient si fréquentes dans ce siècle malheureux, qu’ afin de les distinguer, on attribuait à chacune le nom de la première victime polinoise.
Au plus haut de cette épidémie deux moines et une religieuse rapportent que l’on enterrait entre 100 et 120 personnes par jour
Le pic d’épidémie passé, des pères de famille envoyaient certains de leurs enfants en contrepartie de quelques sous pour servir d’ « épreuve ».
Ils avaient alors pour mission d’habiter pendant 40 jours les maisons des pestiférés après qu’on y avait fait passer à grand frais les nettoyeurs.
Nombre de ces enfants « épreuves » furent à leur tour contaminés et périrent sur place.
La ville devint à nouveau un désert, les messes furent interrompues pendant 5 mois pour ne reprendre qu’en février de l’année suivante.
La peste eu pour seul effet bénéfique d’éviter un siège de la ville par les troupes françaises. En juillet 1637, lorsque le général Henri d’Orleans, Duc de Longueville, se présenta en reconnaissance devant Poligny, il en fut découragé par le risque épidémique que sa prise aurait représenté pour son armée.
Les guerres du XVIe et XVIIe siècle
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8e Guerre de Religion (1585-1598)
13 août 1595
Lors d'une tentative infructueuse de conquête militaire du comté de Bourgogne par le roi Henri IV (durant la Guerre contre l'Espagne et la Savoie / 8e Guerres de Religion entre catholiques et protestants Huguenot) Poligny et son château fort sont pris le 13 août 1595, puis rançonnés.
Henri IV décida de « taxer » Poligny au choix du maire:
Soit 20 000 écus avec en plus entretien d’une garnison du roi de France dans le château de Grimont, soit 30 000 écus sans garnison.
Il n’y avait pas à hésiter, la présence d’une garnison française eut été une menace continuelle de pillage ou de contributions de guerres incessantes à acquitter.
Sur ces entrefaites, Henri IV ayant occupé et fait piller les deux faubourgs de Charcigny et de Montévillards, le maire obtint de traiter pour 20 000 écus sans que le roi ne laissa de garnison.
Les habitants tentèrent de contourner la rançon en offrant au roi une importante statue de la vierge en vermeil.
« Adieu ne plaise que je retienne la mère de mon maître !» s’écria le Roi.
Les habitants durent alors livrer quatre otages de renom jusqu’à l’entier paiement des 20 000 écus, ce qui fut fait.
L'armée française du roi poursuivi sa route mais sera défaite plus tard à la forteresse de Salin les Bains.
Guerre Franco-Espagnole (1635-1659)
En 1638, la France et le Comté de Bourgogne sont en guerre depuis deux ans.
Louis XIII avait investi le comté de Bourgogne et ses troupes avaient d'abord échoué à prendre Dole en août 1636. Jusqu'en mars 1637, la guerre avait plutôt été favorable aux Comtois pourtant inférieurs en nombre.
Mais l'armée comtoise menée par Gérard de Joux de Watteville a été décimée à la bataille de Cornod le 13 mars par un détachement de l'armée de Longueville.
L'armée comtoise ne s'en remettra jamais vraiment
19 juin 1638 1ère Bataille de Poligny ( « Bataille de Chamole »)
Fort de leur succès et débarrassé de l'armée comtoise, les Français peuvent s'en prendre désormais aux principales villes du comté de Bourgogne.
Cependant, Charles IV de Lorraine, qui est reconnu comme un grand militaire de son temps, est le chef des armées alliées (comtoises, lorraines, impériales et espagnoles) en Franche-Comté. Il est décidé à entreprendre une attaque d'envergure contre les Français afin de les empêcher de prendre Poligny et Arbois. Il commence alors une longue marche forcée depuis Salins pour arriver à Poligny avant l'ennemi. Mais les troupes espagnoles commandées par Sarmiento de Tolède refusent de prendre part aux combats et restent sur Salins. Le 18 juin au soir, son armée arrive épuisée sur le plateau au-dessus de Poligny près de Chamole. Mais dans le même temps arrive aussi l'armée de Longueville, qui vient de Château-Chalon et qui a été informé du mouvement des alliés. Elle s'installe dans les environs de Barretaine.
Le lieu de la bataille se situe sur les hauteurs de Poligny, en bordure du ravin qui protège le flanc droit des alliés, le terrain est largement favorable aux défenseurs. Charles de Lorraine a fait retrancher ses hommes derrière des bastions et des petites élévations un peu en arrière de la portée de ses canons qui joueront un rôle défensif déterminant5. Les Français ne savent pas précisément à quoi s'attendre, ils savent que les alliés occupent une bonne position, mais restent confiants quant au sort de la bataille, conscients également de leur supériorité numérique. À 10 heures du matin, ils chargent directement depuis le contrebas, dans la reculée de Vaux sur Poligny à travers un passage étroit gardé par la cavalerie lorraine5. Les premiers résultats semblent en leur faveur, plusieurs régiments lorrains, mal retranchés, battent en retraite aux premières charges. Charles de Lorraine, qui a pris la tête de la cavalerie, arpente le champ de bataille prêtant main-forte aux régiments attaqués.
Les Français tentent également de contourner le passage difficile par l'est, en attaquant par le village de Chaussenans : mais sans plus de résultats. Le terrain est complexe et les Français ne s’apercevront que tard dans la soirée que la position alliée est trop solidement ancrée pour être bousculée par des charges. Longueville et ses généraux vont donc persévérer toute la journée dans des charges inutiles qui coûteront 1 200 tués et 1 800 blessés. À la nuit, les Français abandonnent et battent en retraite, le champ de bataille est jonché de corps. Le villages de Chaussenans et le hameau de Champ-Reignard, en périphérie du champ de bataille, ont été presque entièrement brûlés.
Charles de Lorraine, malgré l'insistance de Von Mercy et du marquis de Saint-Martin, décide de ne pas poursuivre l'armée française qui retourne à Château-Chalon, où elle arrive le lendemain matin, désorganisée mais où l'attendent de nouveaux renforts. Pire encore, le Lorrain décide de se replier sur Salins, ce qui provoque la colère des Comtois et des Espagnols, créant de profondes divisions dans les rangs alliés. L'ambassadeur d'Espagne, Antonio de Sarmiento, fera d'ailleurs de vifs reproches à Charles de Lorraine, qui quittera son rôle de commandant en chef l'année suivante. Cette victoire marque le commencement des dissensions entre alliés, qui trouveront leur paroxysme à la seconde bataille de Poligny, deux mois plus tard.
Les Français reviennent alors vers Poligny et s'en emparent le 25 juin.
Prise d’assaut, la ville est saccagée. Tandis que les soldats français égorgeaient nombre d’habitants qui s’étaient réfugiés dans les églises, quelques officiers protégèrent les religieuses du monastère de Sainte-Claire et les accompagnèrent jusqu’à Salins.
Leurs méfaits accomplis, les français minent les fondations et isolent par un siège le château de Grimont.
Le 30 juin, après échange d’otages et discussions intéressées et sordides, 350 hommes sortirent de l’enceinte "tambour battant et balle en bouche", ce qui signifie quelle redit la place en obtenant finalement les honneurs de la guerre.
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10 août 1638 2de Bataille de Poligny (« Bataille du Château de Grimont »)
Elle a lieu sur les hauteurs de Poligny, sous les murs du château de Grimont . Elle oppose la garnison française de Poligny à un détachement de l'armée comtoise. Elle fait directement suite à la première bataille de Poligny et aux mauvais choix stratégiques du commandement alliés qui en découlèrent. Cette bataille aux enjeux et pertes mineurs a des conséquences dramatiques pour les alliés comtois, espagnols, lorrains et impériaux, qui ne s'entendront plus par la suite.
Un officier comtois fraîchement promu colonel, est décidé à reprendre Poligny aux Français. Alexandre d'Emskerque, seigneur d'Antorpes, vient d'être autorisé par le parlement à lever un régiment d'infanterie. Officier courageux et compétent, il s'était déjà fait remarquer lors de la bataille de Savigny, où il avait trouvé un moyen de contourner les défenses françaises, ce qui permit la victoire. Le 8 août, avec 200 hommes et 2 canons, il s'empare du château de Vadans pris par les Français en même temps que Poligny en juin. L’objectif suivant est Poligny et son château, où les Français, commandés par la Philippe de la Mothe-Houdancourt, se sont retranchés.
Le 10 août au matin, Emskerque d'Antorpes et ses hommes parviennent à rentrer facilement dans la ville: les Français ne sont pas assez nombreux pour défendre. Il décide d'occuper les remparts en position défensive, au cas où les Français tenteraient une sortie dans la ville. Le Comtois sait que ces derniers n'ont que peu de vivres et d'eau pour tenir un siège. Houdancourt, qui découvre avec stupeur que les Comtois ont pris position dans la ville, se refuse à attaquer. Il fait appeler des renforts. Dans ce même temps, Sarmiento de Tolède, le commandant des troupes espagnoles, apprend l'attaque réussie d'Esmkerque, et décide de lui envoyer, en toute hâte, le tercio de François de Saint-Mauris et le régiment de cavalerie du Baron de Savoyeux, qui, une fois sur place, prendra le commandement.
Plus important encore, des vivres et des munitions doivent également leur parvenir pour rendre possible l'attaque. Ces renforts doivent arriver depuis le haut de Poligny et couper toute éventuelle retraite aux Français. La journée passe et les Comtois retranchés dans la ville manquent de vivres et de munitions.
Conseillé par un de ses officiers, Emskerque décide de quitter discrètement la ville et de remonter le colline de Grimont à la rencontre de ses renforts. Mais à mi-chemin, les Comtois sont surpris par les Français.
À terrain découvert et en position d’infériorité, les Comtois se mettent en positon de combat aussi vite qu'ils le peuvent, mais le combat est meurtrier. Les Français, qui sont parvenus à sortir rapidement du château, chargent depuis le haut de la colline les Comtois qui sont alors massacrés. Les lancent des piquiers comtois se brisent sous les charges incessantes. Au bout d'un moment, les survivants comtois demandent quartier. Ceux qui ne sont pas morts sont généralement blessés et seront envoyés en détention à Chalon. Emskerque d'Antorpes en fait partie.
Pendant ce temps, le baron de Savoyeux arrive avec sa cavalerie derrière les hauteurs de Poligny. Il y découvre le tercio de Saint-Mauris qui attend les ordres et les ravitaillements qui n'arrivent toujours pas. En colère, Savoyeux se dirige vers le château de Poligny pour y observer la situation. Mais lorsqu'il arrive, il n'y a plus personne sur le champ de bataille et les Français sont retournés dans leur château.
Savoyeux ne sait pas que penser de la situation et installe ses troupes sur les hauteurs, attendant des nouvelles d'Emskerque. Ce n'est que tard dans la soirée qu'il apprend la défaite et le massacre des troupes comtoises. De plus, les munitions et vivres tant attendus ne sont pas arrivés, les ordres ont mal été transmis : dépités, Comtois et Espagnols retournent sur Salins.
Suites et conséquences
La défaite, bien que relativement mineure au vu des pertes et objectifs stratégiques, eut cependant un effet dévastateur voire déterminant sur l’entente et le moral des alliés comtois, espagnols, impériaux et lorrains, cette défaite s'ajoutant également à la perte de la ville de Breisach.
Cette déconvenue révéla également de nombreux dysfonctionnements à de nombreux niveaux : transmission des ordres, vitesse de déplacement des troupes, etc. Des dissensions à tous les niveaux éclatèrent, car les Espagnols avaient planifié cette attaque et celle de Vadans, sans consulter le commandement comtois qui perd ses propres troupes lors de cette défaite. Dès l'année suivante, Lorrains et Impériaux cesseront d'intervenir en Franche-Comté, la livrant presque sans défense aux troupes cruelles de Saxe-Weimar qui vont déferler sur la région. Cette défaite sonne le glas de cette entente et la fin des espoirs pour les Comtois de faire cesser rapidement le conflit. Cette bataille, comme celle de Cornod un an plus tôt, marque un nouveau tournant dramatique pour la province.
La reprise de Poligny aurait permis de reverrouiller le centre du Jura et de limiter ainsi les incursions françaises, permettant par-là de renforcer nombre de places fortes et permettre de nouveaux recrutement.
Emskerque d'Antorpes, blessé, fut enfermé dans la prison de Chalon, où il tenta soudoyer ses gardiens pour s'en échapper mais sans succès. Il connut alors un régime carcéral plus difficile et mourut en septembre suivant des suites de ses blessures.
Suivant l’accord passé en 1643 entre les Etats de Franche-Comté et la France, moyennant versement de 5000 pistoles, les habitants de Poligny, contribuèrent alors au démantèlement du château de Grimont.
Poligny capitule à nouveau en 1668 devant les armées du roi Louis XIV, du prince Louis II de Bourbon-Condé, et du marquis futur maréchal de France Sébastien Le Prestre de Vauban, puis se rend le 24 mars 1674 en France, et devient définitivement française par le Traité de Nimègue de la Guerre de Hollande contre le Saint-Empire romain germanique et la Maison de Habsbourg en Espagne.
Charles IV de Lorraine
Un centre de la chrétienté
Un couvent de Capucins, un couvent d’Ursulines, une communauté de prêtres de l’Oratoire et un second hôpital.
Ce qui frappe à Poligny, c’est la permanence et l’importance des références ou des lieux chrétiens.
On les trouve presque à chaque coin de rue.
Le premier de tous est un des symbole de la ville: la Croix du Dan.
Elle domine la ville du haut de ses 12 mètres d’acier offrant une vue panoramique jusqu’à la plaine de Bresse. On raconte que 20 bœufs furent nécessaires pour la monter.
Fut elle érigée par un couple de nobles en souvenir de leur fils qui se jeta dans le vide par dépit amoureux ?
ou simplement pour protéger la ville des méfaits de la guerre ?
L’origine de cette croix demeure mystérieuse.
L’importance de la chrétienté à Poligny est très ancienne.
En 764, Fulrade, abbé de Saint Denys,, reçu du Pape Eugène III le corps de Saint Hippolyte patron de la cité.
Déjà, l’église Notre Dame de Mouthier-Vieillard (« Montévillard ») était autrefois à Poligny, le centre d’une vaste et riche paroisse. Des titres prouvent qu’elle existait déjà en 915.
On l’avait construite sur l’emplacement d’une chapelle beaucoup plus ancienne, dédiée à Saint Martin de Tours. Un vierge miraculeuse y attirait un nombre considérable de pèlerins.
Mais le rayonnement chrétien de Poligny prend réellement son essor à partir de 1083 avec l’abbé Bernard, qui, de Baume-les -Messieurs, envoya plusieurs moines à Poligny pour y fonder un Prieuré.
Sous Othon IV, Alix sa sœur, comtesse palatine de Bourgogne, fit achever à Poligny une église dont elle avait commencé la construction en 1248.
Elle y appela 23 ans plus tard (1271), l’ordre de prêcheurs des Dominicains (appelé à cette époque « Jacobins ») pour y établir un couvent.
L’église Notre Dame qui y est rattaché dès cette époque donc est de style gothique flamboyant (classé aux monuments historiques depuis le 17.08.1945).
Le nouveau monastère ne cessa d’être peuplé, pendant plus de cinq siècles, par de nombreux religieux dont plusieurs se distinguèrent comme évêques, comme docteurs et comme écrivains.
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Les bourgeois de Poligny souhaitèrent une église plus vaste et plus centrale que Notre Dame de Mouthier-Vieillard située alors hors des remparts. Ils obtinrent en 1409, du Pape Alexandre V, par la médiation du Duc Jean Sans Peur, que la paroisse y soit transférée.
Jean Chousat, Jean de Toisy, évêque de Tournai (Flandres) et Nicolas Rollin, Conseiller du Duc de Bourgogne, furent les généreux fondateurs de la nouvelle église et du collège de chanoines qui devait la desservir.
Le Pape Eugène IV l’érigea en collégiale en 1431 et fut dédiée à Saint Hippolyte.
C’est en 1415 que sainte Colette fonda son monastère de Poligny. L’histoire de l’établissement de cette maison religieuse est liée à la vie de l’illustre sainte et que son tombeau conservé à Poligny a fait l’objet de l’un des plus grandiose pèlerinage le 02 août 1878.
Peu après le terrible incendie de 1501, la ville reçut de l’évêque d’Amiens, un morceau de bois de la vrai croix. On institua à cette occasion une fête annuelle.
Après l’incendie de 1666, le maire entouré de quelques prêtres fait vœu de solenniser à perpétuité la fête de Notre Dame Libératrice et celle de Saint Claude et d’aller en procession à la chapelle Notre Dame à Salins.
Un trésor artistique et architectural
Lorsque la nouvelle église collégiale de Saint-Hippolyte fut fondée en 1440, la ville est alors un foyer d’art qui a laissé d’admirables sculptures commandées aux imagiers bourguignons par Jean Chousat, Jean Langret et Jean Chevrot. Ce dernier évêque de Tournai fonda la chapelle Saint-Antoine dite de Tournai dans la collégiale saint Hippolyte de Poligny qu’il dota à profusion de pièces d’orfèvrerie. La plupart de celles-ci n’étaient ni de Poligny ni même de même faites en Franche Comté, mais proviennent alors d’atelier alors plus actifs à Dijon ou dans les Flandres.
A la fin du XVe siècle les édifices religieux étaient alors remplis des plus belles pièces d’orfèvrerie religieuse de l’époque, mentionné dans les inventaires de 1477 et de 1517; des reliquaires, des châsses, des statuettes, des calices, encensoirs, lampes, croix, burettes, chandelier et cuiller d’argent et même un reliquaire de la Sainte-Epine à la collégiale ainsi que d’autres trésors accumulés depuis le XIVe siècle à l’église des Dominicains.
Un dernier don important est signalé en 1619 : Guillaume Simonin, archevêque de Corinthe, abbé de Saint Vincent de Besançon, Prieur de Frontenay (Jura) né à Poligny en 1560, offrit à la chapelle de l’Hôtel Dieu de Poligny un buste reliquaire d’argent enrichi de pierres précieuses représentant Saint Hippolyte, patron de la ville, supposé contenir une partie des reliques du saint.